Cohérence et radicalité

Etienne G.

Montpellier, Hérault

Je me laisse tenter par la rédaction de cet article - réflexion

Cohérence et construction écologique ?

Ou de la nécessité d’une forme de radicalité.


Paf rien que ça

En plus nouvellement arrivé dans le réseau Twiza

C’est dire si le challenge est risqué et prétentieux

Ainsi en avant propos et dans cet exercice auquel je me soumets (tout seul :-) je n’affirme rien et je questionne autant que je témoigne


Pour changer de focale il me semble qu’il ne faut pas poser la question de cette manière

Peut-être est-il davantage question d’un cheminement écologique

Nous vivons dans une société qui est une agression continue pour la nature, la santé et le monde de la vie

Il suffit de rentrer dans un supermarché et observer ce qu’il y a dans les rayons, il suffit de regarder les publicités sur les écrans LED qu’il y a désormais dans toute les formes de lieux d’attente ou de passage (gares, métros, rues, centres commerciaux), pour se faire une idée de la machine industrielle qui pousse à la consommation quelle qu’elle soit, sans filtre, sans limite et sans mesure.

Il y a en effet dans les supermarchés et dans leurs étalages orgasmiques de produits d’entretien aucune allusion, aucune proposition à choisir un produit écologique. Ils sont d’ailleurs quasi inexistants.

Les produits sont là, à toi de choisir en âme et conscience, ici on s’en fou


Ainsi construire écologique est une lutte qui cherche à changer de paradigme. Une lutte qui considèrera de l’achat de clous à celui du choix de la couverture.

On peut parler de lutte car l’alternative est un chemin, savoureux certes, mais qui ne va pas de soi dans nos cerveaux façonnés par le monde de la consommation


Il me semble que déjà cette observation est une démarche écologique

Regarder, observer et prendre en compte le choix qu’on a et surtout les alternatives à l’univers bien huilé du placage aux plaques de plâtre, de l’isoplanisme des portes, des fenêtres en PVC et des agglos de ciment, celui du grès-céram et de la cuisine Ikéa,

et cet univers abyssal des robinets vasques baignoires et plans de travail… qui sont au nombre absolument ahurissant dans les Castorama et autres supermarchés du bricolage … nombre abyssal et pourtant absolument identiques dans leur énergie, leur origine et leur soi-disant authenticité


Ainsi la première chose que je questionnerais dans ce cheminement est le savoir-faire.

La réappropriation, le développement des savoir-faire pour réaliser soit même un maximum d’ouvrages avec nos mains, la matière première, la réflexion, la perception, la création, l’invention

En découle de fait la diversité

Il n’est pas question d’argent, ou d’économie même si en définitive ça peut apporter une économie, juste faire autrement que ce que propose le gigantesque toboggan libéro-industriel.

Sortir du « fait pour » qui siphonne notre cerveau, notre inventivité et notre capacité à connaître et comprendre les exigences des ouvrages qui constituent la construction d’une maison.

Par exemple un escalier en voute sarrasine, voûte catalane ou algérienne, bâtis sur des voiles ou voûtes en briques plâtrière et dont l’aspect et les finitions sont infinis et dépendent de la maison et de la créativité du bâtisseur.

Pourquoi est-ce que, pour moi, cela participe à la démarche écologique ?

Je défends l’idée que c’est un facteur de bonheur et qu’il y a plus de plaisir et de contentement à concevoir dessiner, couler, polir et sceller les marches et contre-marches puis bâtir la ou les voûtes d'un escalier en voûte sarrazine que d’en acheter un tout fait dans un magasin avec tous les trucs qui sont « fait pour »


On peut parler d’écologie de l’humain ou même d’intensité sociale dans ce rapport aux savoirs, aux échangent, à la participation nécessaire de personnes (voisins, amis, participatifs, mains d’œuvre payées….) aux liens dans certains ouvrages


Démarches qui en passant enrichit plus (financièrement) notre entourage que les grosses enseignes et les flux financiers


La différence entre couler une chape en béton ou en terre

La chape de béton de part son matériel minéral ne demandera à minima que peu de préparation car le matériau n’est « pas » dégradable. Je fais omission volontairement des sujétions d’isolation et de maitrise des remontée capillaires dans la cas du béton

Un ouvrier prend son téléphone et commande une toupie … quelques tours de passe-passe, à minima savoir régler, le cas échéant armer le béton et le tour est joué

La chape de terre nécessite elle une observation aiguisée des conditions, du terrain et des éventuels écoulement d’eau et remontées capillaires

La chape de terre nécessite de réaliser un ouvrage drainant, bien réfléchi et réaliser avec soin (véritable hérisson par ex)

Un besoin impérieux d’analyse, de sentir de palper et même de gouter la terre

De faire des essais et d’en observer le comportement

Je ne défendrais pas le bilan écologique de la terre qui est évidemment exceptionnel, ni celui de ces propriétés dynamiques …

Il s’agit ici de comparer l’intensité sociale dans ces deux modes opératoire et la nécessité d’éveil dans l’utilisation de la terre (on peut toujours balancer du béton pour boucher un trou, c’est plus simple et ça ne demande aucune réflexion, même si ça crée par la suite des désordres)

On peut peut-être aussi parler de satisfaction, de plaisir à se confronter aux choses

L’écologie de l’humain est ici une recherche de sens

La terre ne coûte rien et le béton enrichir "Lafarge et consort"


On retire a un employé toutes ses responsabilités, on ne lui demande plus d’utiliser ses compétences

Il meurt d’ennui voire pire


Buster Keaton est devenu alcoolique après avoir signé avec la Warner, il ne pouvait plus écrire ses scénarios ni réaliser lui-même ses cascades

au faît de sa gloire, riche, il était dans un placard doré


Chaux et chaufournier

Il y avait avant dans toutes les campagnes et non loin de nombre de villages des fours à chaux et leurs chaufourniers.

le chaufournier cuisait le calcaire à la demande, choisissait les cailloux et dilalloguait avec le maçon en fonction des besoins de ce dernier

Le maçon bâtardait la chaux en fonction de ses ouvrages et des carectéristiques techniques recherchées ; est-ce un mur, un enduit, une chape, la pose de carrelage. 

il utilisait avec parcimonie cette substance qui pouvait se rendre onéreuse si on l'utilisait n'importe comment. Ainsi la chaux était souvent mélanger à l'argile ou utilisé maigre

et les gravats et pierres trouvés in situ était largement utilisés avec intelligence et savoir-faire.

la chaux redevient calcaire après sa carbonatation, le sable est récupérable par tamisage et la terre retourne à la terre

Q'on ne me fasse pas passer pour un passéiste :-)

je veux juste confronter cette qualité d'échange, de liens, de savoir-faire et d'intelligence dans le geste à coté de l'achat et l'utilisation d'un sac d'enduit tout-prêt Weber et Broutin, produits adjuvanté de tout un tas de trucs chimique et éliminant le maximum de risque et d'intelligence



La seconde chose dans ce chemin est peut-être la plus attendue

Bien sûr l’utilisation de matériaux écologiques

Grosse question, non ?

A laquelle Je ne m’attarderais pas car c’est le plus alimenté en réflexions. Et on peut probablement affirmer que ceux qui vont avoir le courage de me lire auront déjà abordé largement la question

Quelques mots seulement

Quels sont ces matériaux ?

D’où viennent ils ?

Quel est l’impact de leur extraction / utilisation ?

Quel est leur degré de recyclage ?

Quelles sont leur qualités ?

Il me semble pour moi qu’une maison qui accueille la vie doit être porteuse de vie, c’est donc les matériaux qui peuvent accueillir la vie que je préfère

Et puis j’aime à imaginer que lorsque le maison ne sera plus habitée, elle reviendra à la terre et à la vie, ainsi je préfère la notion de compostage à celle de recyclage.


Le troisième élément que j’ai envie de creuser est la notion de cohérence

Et c’est peut-être le volet le plus "douloureux" et le plus complexe dans notre société

Est-ce que la démarche de construire une maison écologique se résume au choix et à l’achat des matériaux

Je pense qu’on est tous d’accord que non

Il y a l’énergie utilisée pour le chauffage

Celle utilisée pour l’électricité

Il y a surtout le non besoin d’énergie, soit l’énergie non utilisée qui est l’énergie la plus propre (merci Négawatt)

Ainsi donc la question de la sobriété

Il y a l’énergie utilisée pour l’excavation des terres des fondations, celles des machines en général

Il y a l’énergie et la façon de transporter les matériaux in situ

L’énergie également pour le déplacement des ouvrier(es)

Et celle de l’évacuation des matériaux de déconstruction / démolition

Et aussi et surtout la protection, ou la prise en compte de la vie nécessairement bousculée par la construction d’une maison


Bon bref cohérence ….

Quand on sait ce que demande le sacrifice écologique et humain d’extraire je ne sais où et d’acheminer du pétrole dans une région reculée comme les alpes, ou l’iles de la Réunion…. (ce sont juste des exemples de lieux extrême mais qui ne change pas la donne sur les autres territoires, le désastre est le même partout mais l'observation est différente car à Marseille par exemple )

Donc techniquement si on considère donc le pompage du pétrole, dans des pays lointains au transport dans des petits camions citernes jusque la moindre petite ville....

Sans compter le désastre géopolitique, la vente d’armes et les guerres qui en découlent,

Ainsi peut-on extraire (puisqu’on parle d’extraction) cette question de facto du cheminement écologique ?


Il me semble que c’est Le gros morceau car il met en questionnement tout notre mode de vie

Le temps et donc le choix

notre rapport à ce qu'on appelle le confort

et cette définition de la "modernité", la vie contemporaine s'est définie sur la notion de modernité. Supposant qu'il était chaque fois plus moderne d'avoir dans sa maison une nouvelle invention "moderne"

Ainsi la climatisation , le chauffage central, la piscine est chaque fois un accès à la "modernité"


Le tracto pelle est également moderne

Mais qu’est-ce que j’ai de mieux à faire que creuser des fondations à la main et se mettre en empathie avec ce biotope que je vais perturber ?

et transporter les gravats dans une remorque à vélo ?

Quel est notre regard sur le temps, notre temps, ce temps qui nous est donné par la vie et pour un temps donné

Est-ce qu’il y a une mesure à cela et où mettre le curseur ?

Comment j’empile tous les projets et les désirs dans une journée ?

Comment je peux renoncer pour plus de cohérence ?

Qu'est-ce que la modernité ?

A quoi je renonce au nom de la modernité quand je plonge dans le toboggan libéro-industriel ?


Pour terminer cette péroraison

A cette réflexion sur la cohérence il est souvent apposé le terme de radical

Radical au sens de « jusqu-au-boutiste » ou de "tétu"

Et radical au sens étymologique de la prise à la racine de la question


Il me semble que si la question de la cohérence est extrêmement complexe et ne peut-être unique car émanant du cheminement et du projet de chacun, l’étiquette radicale qui lui est donnée est proprement infondée (et je mesure les mots utilisés)

En effet, qui est radical, ou qu’est-ce qui est radical ?

Une société qui détruit la vie pour maintenir en ordre de marche un système économique défaillant et archaïque quoique se disant "moderne", ou la recherche de cohérence dans la démarche écologique ?

Quand une industrie creuse inlassablement les fonds de mer, déforeste au bulldozer, élimine jusqu’à 70% des insectes, menace l’extinction des abeilles, transforme le monde mammifère sur terre (hors humain) à tel point que plus que 5% d’entre eux sont à l’état sauvage … modifie l’atmosphère au point de réchauffer la terre…

dans cet inventaire incomplet où placer le mot radical ?

qui est radical et qu'est-ce qui est radical? ou tétu borné aveugle ....


Comme le dit Aurélien Barrau,

Ne nous trompons pas, ce Bulldozer, s'il marche au solaire défoncera aussi la foret



La radicalité et la cohérence sont des formes qui se mélangent et se nourrissent. La radicalité cherche de la cohérence et la cohérence cherche à sortir de sa gentille rationalité.


Soyons humbles dans nos chemins


Etienne G