Le bois : de l’arbre à l’habitat
Rabot qui racle. Hache qui fend. Ciseaux qui accrochent. Gouge qui plonge et ôte la matière. Doloire qui écaille. Le beau copeau. Au son du bois qui se taille et s’amenuise. Le son des outils est une musique qui hypnotise. Le travail du bois est musical. Les coups de haches plantés dans les grumes se calent petit à petit les uns sur les autres. Équarrir une grume fraîchement abattue apprend le travail à plusieurs, la conscience d’entendre l’autre.
Le chantier est lancé et, une fois de plus, c’est le corps entier qui est engagé dans le geste. Ancré, debout sur le tronc, le charpentier lève son outil au plus proche du corps, jusqu’au ciel, prenant appui sur ses jambes. Il lance en avant sa hache qui vient entailler le bois, pile à l’endroit où il a posé son regard et sa concentration. Reprise. Il recommence ainsi un nombre incalculable de fois. Son compagnon, en bout de grume ne peut que prendre le rythme.
« Le son des outils est une musique qui hypnotise. Le travail du bois est musical. »
Viennent ensuite les ciseaux à bois pour tailler les assemblages. Les copeaux de bois se décollent dans un doux arrachement. Les ciseaux rentrent dans la matière poussés par les coups réguliers du maillet. Petit à petit, se sculpte la mortaise, affinée à l’arrachée sous la pression de la bisaigüe. Au milieu du chantier de charpente où s’activent un certain nombre de musiciens, il est temps de marquer un arrêt pour fermer les yeux et deviner les étapes de travail de chacun s’harmonisant en une brève séquence sonore et répétitive. Quels sons imposer à ses oreilles ?
Si la charpente traditionnelle peut être travaillée à l’aide de quelques outils à mains, la menuiserie est aujourd’hui plus dépendante de machines électriques. Autre échelle du travail du bois, elle demande précision et calculs savants, parfois.
Réfléchir à plusieurs permet d’explorer différentes solutions, une panoplie d’outils à disposition, en favorisant l’outil à main plutôt que l’outil machine si l’on veut sentir la continuité de la pensée dans le geste. Au contraire, le menuisier privilégiera l’outil-machine et non l’outil-main dans des étapes plus pragmatiques, où le temps peut manquer et la précision des lames est nécessaire à l’avancée de l’ouvrage.
Dans ce travail, le son est là encore très important et il semble plus agréable de doser l’utilisation des deux types d’outils pour ne pas passer son temps à travailler dans le bruit strident des machines, casque sur les oreilles. Cette gêne inconsciente crée inévitablement une distance entre le menuisier et son ouvrage, alors que les ciseaux, les rabots, les scies et les gouges sont la continuité naturelle de la main.
Au départ, nous partions un peu à l’aveugle, guidés par les annonces d’auto-constructeurs sur le site Twiza.
Quentin venait d’obtenir son diplôme en OPEC (Ouvrier Professionnel en Eco-construction) mais cette fraîche qualification, bien que passionnante lui avait dépeins un tableau tous azimuts qui le laisser perplexe sur la suite de son avenir professionnel. L’envie d’approfondir certaines problématiques et de savoir quel métier lui siérait réellement restait un immense champ des possibles.
Quand à moi, Pauline, architecte d’intérieur, je continuais mon bout de chemin paisible dans l’aménagement d’espaces tertiaires, depuis 5 ans mais les sujets auxquels Quentin avaient accès me charmaient doucement, de loin. Ces prémices lançaient également l’envie d’avoir un impact, même à petite échelle, en tant que designer, créateur d’espaces dans le monde actuel.
En 2019, entre une rentrée en formation pour l’un et le lancement dans l’entrepreneuriat pour l’autre, nous décidons de nous débarrasser de notre location en ville pour acheter un camion à aménager nous-mêmes. C’est le début d’une vie nomade jusqu’alors inconnue pour les deux citadins que nous étions depuis 10 ans.
Jusqu’au mois de mai 2020, le camion nous fera vadrouiller au sein d’un périmètre déjà plus ou moins connu, de la Haute-Garonne, en Ariège, en passant par le Tarn et l’Aude. Nous combinons formation, projets de clients et travaux sur le camion durant l’année 2019.
Puis, en mai 2020, c’est le grand départ pour le Tour de France et l’apprentissage de techniques éco-construites et éco-conçues.
Nous mettons en pratique désormais les savoir-faire sur lesquels nous nous sommes formés en tant que couvreur-chaumier pour Quentin et en conception d’habitat écologique pour moi.