Réemploi : challenge en entreprise
Les entreprises sont de grandes consommatrices de mobilier, plus ou moins durable, plus ou moins qualitatif selon les fournisseurs. L’évolution des modes de travail les poussent bien souvent à renouveler leur mobilier, jeter des équipements en bon état.
« Je les accompagne pour aménager les espaces, et leur propose d’introduire du réemploi dans le lot Mobilier. »
Dans le cadre d’un projet d’aménagement de bureaux pour lequel j’étais missionnée en tant que designer, La Cité des Start Up à Toulouse, j’ai eu l’occasion de lancer le pari du réemploi avec le maître d’ouvrage, At Home (gérant de co-working). Au sein d’un ancien hangar aérospatial, les Halles Latécoère réhabilitées par la Région Occitanie, At Home installe son nouvel écosystème.
Je les accompagne pour aménager les espaces, et leur propose d’introduire du réemploi dans le lot Mobilier. Une part de celui-ci sera acheté d’occasion, et certaines pièces seront fabriquées avec des matériaux de seconde main : les tables des petits espaces de réunion et les jardinières. Je dessine donc la forme des plateaux des tables et les jardinières puis envisage de les faire fabriquer par des menuisiers travaillant le bois de seconde main.
Le manque d’acteurs présents sur le territoire pour répondre correctement a rendu l’opération complexe. Il n’était pourtant pas question d’abandonner cette idée essentielle du projet. Quentin, mon compagnon, a alors l’idée un peu folle de vouloir faire par soi-même. Puisque personne ne sait répondre à cette demande spécifique, tentons le coup !
At Home, laboratoire de start up et encourageant dans tout type d’initiative créative a donné sa confiance sur ce pari. C’est ainsi que les tables et les jardinières ont été fabriquées dans l’atelier familial, dans le Tarn à quelques kilomètres de Toulouse, par nos propres mains.
« Récolter le bois destiné au déchet auprès d’entreprises (chutes de bois, palettes usées), démonter les éléments (création d’un outil à cet effet), dégauchir et raboter les planches…»
Ce fut une course contre le temps et un challenge d’envergure pour récolter les matériaux disponibles, en voie de devenir des déchets. C’est avec Raphaël, mon père et menuisier de métier, que nous nous sommes formés sur les machines et nous avons pu répondre à la commande !
Récolter le bois destiné au déchet auprès d’entreprises (chutes de bois, palettes usées), démonter les éléments (création d’un outil à cet effet), dégauchir et raboter les planches furent les premières étapes pour rendre le matériau utilisable. Suivront ensuite les étapes d’aboutage, de collage, de séchage pour préparer les planches. Enfin, le gabarit est tracé et les formes des plateaux des tables sont découpées sur l’établi.
Pendant que Quentin s’applique à la fabrication des tables, Raphaël et moi commençons la série de jardinières. Les pieds des tables seront fabriqués avec des tasseaux neufs, par manque de temps pour les réaliser avec du bois réemployé. Les pieds passent dans la toupie pour leur donner une signature puis sont fixés sous les plateaux avec des branches de maintien. Après trois semaines de formation et de travail intense dans l’atelier, une forêt de tables s’élève, prête à se vêtir d’une couche d’huile-cire, produit de protection naturel.
Nous assurerons également la livraison à la Cité, et un entretien des tables par la suite : le bois est un matériau vivant qui travaille avec les changements de températures !
Cette expérience de l’urgence et de la nécessité a fait éclore un réel partage de compétences entre mon père et nous, amateurs-apprenants mais aussi une nouvelle vision de la gestion de projet. Lorsque quelque chose n’existe pas, ou semble irréalisable, il faut se lancer !
En travaillant en bonne entente avec la maîtrise d’ouvrage, les délais et les protocoles habituels peuvent bouger. Dans le domaine du réemploi, ce ne sont que les initiatives faisant preuve d’exemplarité qui pourront faire évoluer les mentalités au niveau des commandes, des fabricants, des concepteurs.
« Lorsque quelque chose n’existe pas, ou semble irréalisable, il faut se lancer ! »
Réaliser ce projet de fabrication nous a permis de décomplexer le travail de la main. Sans être des professionnels, il est possible d’apprendre des gestes et des techniques pour aider sur des chantiers afin de réaliser, à plusieurs, des espaces nouveaux. En cela, les chantiers participatifs sont des laboratoires à savoir-faire, à idées et où il est possible de transmettre autant que d’apprendre .
Au départ, nous partions un peu à l’aveugle, guidés par les annonces d’auto-constructeurs sur le site Twiza.
Quentin venait d’obtenir son diplôme en OPEC (Ouvrier Professionnel en Eco-construction) mais cette fraîche qualification, bien que passionnante lui avait dépeins un tableau tous azimuts qui le laisser perplexe sur la suite de son avenir professionnel. L’envie d’approfondir certaines problématiques et de savoir quel métier lui siérait réellement restait un immense champ des possibles.
Quand à moi, Pauline, architecte d’intérieur, je continuais mon bout de chemin paisible dans l’aménagement d’espaces tertiaires, depuis 5 ans mais les sujets auxquels Quentin avaient accès me charmaient doucement, de loin. Ces prémices lançaient également l’envie d’avoir un impact, même à petite échelle, en tant que designer, créateur d’espaces dans le monde actuel.
En 2019, entre une rentrée en formation pour l’un et le lancement dans l’entrepreneuriat pour l’autre, nous décidons de nous débarrasser de notre location en ville pour acheter un camion à aménager nous-mêmes. C’est le début d’une vie nomade jusqu’alors inconnue pour les deux citadins que nous étions depuis 10 ans.
Jusqu’au mois de mai 2020, le camion nous fera vadrouiller au sein d’un périmètre déjà plus ou moins connu, de la Haute-Garonne, en Ariège, en passant par le Tarn et l’Aude. Nous combinons formation, projets de clients et travaux sur le camion durant l’année 2019.
Puis, en mai 2020, c’est le grand départ pour le Tour de France et l’apprentissage de techniques éco-construites et éco-conçues.
Nous mettons en pratique désormais les savoir-faire sur lesquels nous nous sommes formés en tant que couvreur-chaumier pour Quentin et en conception d’habitat écologique pour moi.